Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Laurent Ducastel Ecrivain
27 mai 2013

L'ORAGE

J’étais tranquille quand il m’a appelé sur mon portable. Là, on peut dire qu’il m’a pris par surprise. Je ne m’y attendais pas. Peu importe qui c’était puisque l’on en revenait toujours au même. C’était une litanie bien rodée par mes proches qui démarrait par : quand vas-tu trouver du boulot ? Et s’achevait par : on ne peut rien pour toi.

 Je n’irais pas par quatre chemins : ce jour-là fut atteint une espèce de point de non-retour. D’accord, pour une raison que j’ignore, j’ai pris ces fadaises en pleine tronche bien plus fort que prévu. Je me croyais blindé, immunisé, mais ils trouvaient sans cesse de nouvelles idées pour m’exploser le moral. C’est dingue, ils avaient toujours les mots justes pour me réduire en cendre, me traîner plus bas que terre. C’était des mots qui puaient la compassion facile nimbée de reproches sous-jacents. Des mots qui faisaient mal et frappaient en traître. Des mots comme des pièges à loups qui refermaient sur vous leurs mâchoires d’acier. 

 En attendant, c’était une sacrée droite que je venais de prendre. J’étais K.O debout. Oui, j’ai donné le change avec ma femme, mais mes larmes étaient prêtes à dévaler le long de mes joues. Je n’en revenais pas d’être touché aussi fort, aussi profond. Je ne valais donc pas plus que cela pour eux. J’étais juste un poids sur leur conscience. Un poids dont il fallait se soulager de temps à autre. Ainsi, il me faisait l’aumône d’un conseil à la con alors que nous étions en plein naufrage, que nous n’avions plus rien à bouffer et qu’il fallait encore sauver les apparences coûte que coûte. J’ai mis Marc Bolan, Les Kinks et Patti Smith pour ne pas craquer. Les meilleures chansons du monde peuvent vous sauver la vie, parfois. Je me suis immergé dans la musique. J’étais comme Ray Davis dans Waterloo Sunset, je n’avais pas besoin d’ami.  J’étais au bord du gouffre. Il s’ouvrait en moi de façon très distincte. J’avais envie de tout casser, de me faire mal pour voir jusqu’où je pouvais aller dans la déchéance. J’allais avoir quarante berges et j’étais au taquet, vidé, rincé, laminé, sans une once de futur. 

  Soudain dehors, l’orage a éclaté. C’était le premier orage de l’été. Il était agressif, sombre et crachait son courroux avec ferveur, effrayant les enfants. Il a inondé la chambre pendant que j’écrivais ces lignes. Sa rage s’est fondue dans la mienne et finalement, sa violence m’a lavé de ma colère. Je suis resté là à regarder le vent et les rafales de pluies mettre en pièce ce qu’il subsistait de cette belle journée ensoleillée.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
J
Super!<br /> <br /> clap clap clap clap<br /> <br /> jm
Publicité