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Laurent Ducastel Ecrivain
20 mars 2017

PORTE COCHERE

Sandra adorait débarquer à l’improviste, juste avant la pause du midi. Je l’avais rencontré presque un an auparavant et nous avions, depuis, établi une relation épisodique qui nous convenait tous les deux. Sandra avait fait un beau mariage de convenance avec un musicien soucieux d’épouser une femme superbe pour masquer à sa famille et au reste du monde, le fait qu’il était homosexuel. Sandra n’en prenait pas ombrage. Elle-même ne dédaignait pas les filles et disait en riant que ce qu’elle préférait chez son mari, c’était sa carte American Express. Bref, ce n’était qu’un couple de façade où chacun semblait trouver son compte. D’ailleurs, Sandra prétendait souvent qu’elle n’aurait échangé son mode de vie pour rien au monde. Ce qui était aisément compréhensible, étant donné qu’à tout juste vingt et un ans, elle habitait un immense duplex dans le quatrième arrondissement de Paris, n’avait aucun souci d’argent et jouissait d’une liberté quasi-totale. Franchement, on avait déjà vu plus difficile comme existence. Pour ma part, mon état était nettement moins brillant. À cette époque, je travaillais dans ce grand magasin parisien et en bavais bien plus que nécessaire à cause de mon caractère de chien, mais surtout en raison de l’incapacité notoire à courber l’échine qui allait avec. De retour des États-Unis, je n’avais pas eu vraiment le choix. Il avait fallu trouver un job au plus vite pour payer les factures et se loger. Je m’étais dit que je ne m’attarderais pas dans ce boulot, que c’était juste un pis-aller en attendant. Mais finalement, dix-huit mois avaient passé et j’étais toujours en place !

      Sandra, donc, se montrait toujours un peu avant midi. Elle faisait le tour du rayon, drapée dans son immense manteau blanc. On aurait dit une espèce d’apparition divine avec sa peau laiteuse et ses cheveux mi-longs, noir comme de l’ébène. Elle avait une classe rare, une élégance du geste qui trahissait une éducation bourgeoise. Mais sous ses airs de jeune fille de bonne famille sommeillait en elle, une prédatrice aguerrie. Jouer avec le feu était dans sa nature profonde. L’un de ces petits plaisirs favoris consistait à m’allumer à mort alors que je vendais péniblement un petit téléviseur ou autre chose à une des mémères du quartier. Elle se positionnait de façon à ce que je ne puisse pas la manquer. Puis, discrètement, ouvrait son manteau et par exemple, dévoilait un chemisier transparent qui ne masquait rien de ces petits seins célestes. Ce jour-là, elle opta pour une autre technique et alla s’asseoir sur l’un des sièges du bureau qui avaient la particularité de se balancer d’avant en arrière. Là, mimant à la perfection la cliente impatiente, suivant un fin mouvement de balancier, elle croisait et décroisait les jambes sous sa mini-jupe, suffisamment haut et suffisamment longtemps pour que je vois qu’elle ne portait pas de culotte. Soudainement, vendre mes bazars électroniques devenait beaucoup plus compliqué. Elle, ça la faisait marrer de me voir perdre les pédales et m’emmêler les crayons à loisir. Bon dieu ! J’étais comme un dingue. Et encore, c’est rien de le dire. C’était une tempête tropicale qui soufflait dans mes artères, prête à tout dévaster cependant que la vente s’éternisait et que je frôlais la rupture, le chaos à chaque seconde. La mamie pinaillait sur des détails ou atermoyait à loisir : Un coup, je prends celui-ci, un autre celui-là. On aurait dit qu’elle le faisait exprès pour éprouver mes nerfs !  Guidé par une sorte d’état second, je finissais par l’éconduire sans ménagement et filais comme une fusée au vestiaire. Là, je jetais mon badge, enfilait une veste et grimpait quatre à quatre les escaliers qui me conduiraient vers la rue, vers la liberté, vers Sandra et son sexe de velours. La pluie commençait à tomber alors qu’enfin je la rejoignais. Elle arborait cet air resplendissant qui indiquait qu’elle était toute heureuse de son effet. Plus les semaines passaient, plus ostensiblement, par petites touches, j’étais accroc de cette fille. Avant même de penser à autre chose, je voulais m’emplir d’elle. Je voulais sentir son parfum, la douceur inouïe de sa bouche, de ses lèvres. Je voulais la serrer encore contre moi. Comme un talisman, une fontaine de jouvence, un antidote contre tous les minables qui prenaient leur pied à me pourrir la vie. Mais pour l’heure, aucun d’entre eux ne pouvaient plus m’atteindre. J’étais hors de portée. Intouchable au septième ciel. Nous marchâmes un peu dans les rues, au hasard, sa tête posée sur mon épaule. Le peu de temps dont nous disposions réduisait à néant ce désir d’intimité incendiaire qui cavalait en moi. Généralement, nous nous retrouvions le soir, chez elle, pour assouvir nos aspirations charnelles débridées. Sandra trouvait, inventait sans cesse de nouveaux jeux dans le seul but d’aller toujours plus loin vers le plaisir, vers le vertige ultime. Celui qui finirait par nous engloutir et dont nous espérions ne pas revenir. Les visites du midi n’étaient finalement qu’un prétexte pour exacerber encore un peu plus le désir, l’appétit de chair qui nous liait l’un à l’autre.

     Ce jour-là, je savais qu’il me serait impossible de tenir jusqu’au soir. Pourtant, la pluie avait redoublé d’effort pour calmer nos ardeurs. Dans une rue adjacente au magasin, nous avions trouvé refuge sous une porte cochère vert sombre. Sandra avait sonné en riant, au hasard, à l’interphone et après un bip immonde, la lourde porte s’était ouverte, dans un grincement métallique. Un hall désert s’offrait à nous, avec ses pavés propres comme des sous neufs, sa glace qui courait tout le long du mur blanc crème et surtout pas une âme qui vive. À peine à l’abri, l’incendie s’était propagé comme porté par le vent du soir. J’ai attrapé Sandra et, brûlant d’impatience, je me suis collé contre elle. Ma langue s’activait sa bouche offerte. Ses baisers sentaient l’orage de printemps, tandis que je relevais sa jupe et découvrais le sexe déjà chaud et fondant. Dans un moment d’inconscience qui frôla l’extase, elle fouilla mon pantalon et me guida en elle. Dans ma poitrine, mon cœur était prêt à exploser. Sa gorge haletante se tendait, se serrait à intervalles réguliers. Mon pauvre corps n’était plus qu’une torche.  Ses longues jambes enroulées autour de mes hanches se contractaient en une impulsion spasmodique cependant que Sandra réprimait de petits cris aigus en mordant à pleine bouche le col de ma veste. 

   Quand nous sommes ressortis, la pluie avait cessé et il me semblait que cette journée avait pris un tour nouveau et inattendu. En fait, c’était la vie tout entière qui prenait une tournure nouvelle quand Sandra était dans les parages. Une tournure plus intense, plus excitante, plus dense, aux odeurs de soufre certaines, mais où luisaient encore si fort les derniers feux de l’innocence. Pourquoi, diable, l’avais-je laissé filer ?

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Commentaires
M
Pourquoi?... Parce que lorsqu'une femme est trop présente dans la vie d'un homme, elle perd beaucoup de son attrait physique :p
A
Bonsoir Laurence et merci pour ce petit com'. A bientôt. Laurent.
L
Bonjour.<br /> C'est très rare de découvrir un... écrivain.<br /> Merci !<br /> Cordialement.<br /> Laurence
T
les détails ...sont superbes , singuliers, on sent les etoffes se fripper dans l'ebat...j'aime ! quand à la situation de Sandra dans son mariage, .. c'est marran cela me rappelle vaguemen quelque chose!
A
C'est le retour de sexy lol! J'adore !
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