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Laurent Ducastel Ecrivain
12 janvier 2010

Interview Mano Solo

Réalisée en mai 1999, pour BEST, et publiée le mois suivant, cette interview a été faite dans un café du 20e à l’occasion de la sortie de son troisième album. Je l’avais retrouvé, attablé devant un Picon Bière, en compagnie de ses chiens. Un peu réticent au début, voire rugueux, il s’était détendu au fil de l’entretien. Au point d’en devenir chaleureux, heureux qu’on ne lui parle pas uniquement de sa maladie. À l’époque, la trithérapie venait de l’arracher à une mort imminente, et l’on sentait la vie qui lui suintait par tous les pores de la peau. Il m’avait, à l’origine, accordé vingt minutes et nous sommes restés ensemble plus de deux heures. Deux heures, sans fard, d’une sincérité absolue. So Long Man….

Extrait de Best, juin 1999. En six ans et trois albums Mano Solo a su imposer un univers qui n’appartient qu’à lui. Un univers violent, où l’amour côtoie la mort comme une ombre incertaine et où la vie doit serrer les poings pour trouver sa place. De lui et de sa maladie, on a tout dit, pourtant l’homme continue sa quête, plus lucide que jamais, plus fort aussi. À l’heure où il s’apprête à investir la scène du Tourtour tout au long du moi de juin pour y enregistrer un album live acoustique, Rencontre avec un homme en marche.

Au cours de ces dernières années, on assiste à un renouveau de la chanson française telle qu’on la concevait dans le temps? As-tu l’impression d’être au cœur d’une nouvelle scène?

Mano: Non je n’ai pas besoin de ce parallèle. Je ne vois pas pourquoi on va toujours chercher la chanson française avec un grand C. C’est clair je chante en français et je suis un chanteur réaliste, mais cela n’a rien d’un effet de style. Je ne cherche pas à recréer quelque chose.

Ce qui m’intrigue, c’est que beaucoup de gens de cette scène sont comme toi issus du punk ?

Qui par exemple ?

Les TETES RAIDES, les NEGRESSES VERTES, même Thomas Fersen

Fersen !!! c’est un punk d’opérette celui-là ! Non les TETES RAIDES je suis d’accord, d’ailleurs c’est le groupe que je préfère. Quand tu écoutes Christian, leur chanteur, c’est de la littérature. Tu sens une vraie rage derrière. Tu ne retrouves rien de cela chez Fersen. En même temps l’idéal punk c’était pas un truc de bourgeois qui vivait chez papa maman. Destroy, ça avait un sens. Nous on squattait, on forçait l’entrée des concerts, mais on faisait aussi des choses nazes comme dépouiller des épiceries ou des types qui ne nous avaient rien fait. Ça, c’est le coté nul. Finalement, avec le recul, je pense qu’on n’a pas fait grand-chose d’intéressant.

Et les NEGRESSES ?

Ils ont ouvert la voie. Dommage qu’ils n’aient pas su sortir du caricatural. Puis Helno est parti, c’était l’âme du groupe. Encore un punk! Un vrai pour le coup. Il a décomplexé la langue française. Quand je suis arrivé en 91, beaucoup de chemin avait été fait par ces gens la. Le terrain était prêt. Les NEGRESSES, La MANO NEGRA m’a vraiment aidé au début en me prenant en première partie seul avec ma guitare. Mais moi, je ne voulais pas parler qu’à un public rock, je voulais toucher le plus de monde possible.

On le voit dans ton public qui est très diversifié

J’essaye que chacun y trouve son compte. C’est pour ça que j’ai fait deux fois la chance aux chansons ou 7/7. C’est pas un animateur qui va m’enlever ce que je suis. J’ai toujours cherché à pénétrer la société de l’intérieur au lieu de cracher dessus. J’ai débarqué avec une optique de combat, mais les gens n’aiment pas qu’on leur dise la vérité en face surtout crûment. J’ai mis du temps à comprendre cela.

Je ne sais pas trop” ton troisième album semble clôturer un cycle.

C’est le cas. Dès le début j’avais prévu de faire un triptyque. Trois albums qui raconteraient la même histoire. Je savais que j‘avais besoin de toutes ces chansons pour planter l’univers. Il y a d’ailleurs une grande cohésion entre des disques. Je voulais qu’on suive l’évolution du personnage Pourtant sur ce dernier, on sent que tu es à un tournant. C’est clair, j’ai dit des choses qui étaient importantes pour moi, mais je ne voulais pas me répéter. Au moment de le finir ce disque, je me suis dit il est trop sombre. J’ai senti que j’avais changé en ce sens que j’ai failli mourir et je ne voulais pas rester sur une note macabre. Je voulais plus profiter de la vie, ne plus m’accabler et surtout ne pas clore le débat de cette façon là. Des chansons comme “sens-tu ” ou “il m’arrive encore” ont été faites dans cette optique là. Pour me laisser une ouverture, amorcer une autre histoire peut-être.

Et tu la vois comment cette autre histoire?

Je n’en sais rien encore. J’essaye de prendre un autre cap, mais c’est pas évident. J’ai du mal à écrire des trucs légers. Quand tu te sens bien, t‘as pas envie d’écrire, juste d’en profiter. De toute façon, j’ai l’impression de n’écrire bien que quand c’est dramatique.

Ce disque a été enregistré live et à l’époque tu déclarais ne plus vouloir enregistrer qu’ainsi. Vas-tu poursuivre dans cette voie ?

Dans l’immédiat oui, puisque je serai au mois de juin au Tourtour pour y enregistrer un album acoustique seul avec mon guitariste. Il n’y aura pas de nouvelles chansons, juste des versions réarrangées de mes anciens titres. La scène c’est ce que je préfère. C’est la que ça se passe, que ça se vit. J’aime sentir les gens. Quand j’étais môme j’avais le fantasme de la scène pas celui de sortir des disques.

Tous les articles que j’ai lu sur toi tournent toujours autour du même sujet. N’es-tu pas frustré de la vision très réductrice qu’ont les médias de toi et de ta musique ?

En fait au début de ma carrière, Claude Billot dans chorus a fait un article sur moi, le sida et tout ce qui s’en suit. Depuis les autres n’ont fait que copier. J’ai un tas de coupures de presse chez moi et ils disent tous la même chose encore maintenant, six ans après. C’est effarant!

Tu es un enfant de 68 et quelque part on a l’impression que cela ne t’as pas quitté.

J’essaye d’être un vrai socialiste dans la vie de tous les jours. Alors résidu de 68, pas dans le discours, peut être dans la façon de vivre. 68 aujourd’hui, c’est pas d’aller voter pour Mitterrand ou Jospin. C’est respecter les autres, être vrai, honnête. C’est une vision utopique du socialisme, mais j’ai été élevé avec ces idéaux et je ne me vois pas penser autrement. Ce qui me fait gerber, c’est de voir les anciens soixante-huitards reconvertis dans l’informatique en train de faire du pognon en oubliant le reste.

Quels sont les albums qui t’ont marqué ?

(Sans hésiter) Honky Dory de Bowie. C’est vraiment un disque que j’ai écouté toute mon adolescence. Plus tard, vers vingt ans, j’ai découvert Tom Wait. C’est vraiment un géant, bien plus moderne que Bowie finalement. Sinon, j’écoute du flamenco, j’ai eu une période Oum Khalsoum, Higelin bien sûr. C’est le premier à avoir chanté du rock en français sans avoir l’air con. Tous ses disques jusqu’à “Champagne” sont très bien. J’écoute aussi beaucoup de reggae, pas mal de dub.

Avant de chanter, tu étais peintre, n’as-tu jamais songé à faire une expo maintenant que tu as une certaine notoriété?

J’ai fait des expos dans le temps. Mais la vérité c’est que j’ai plus rien à exposer. Je n’ai plus d’atelier, je ne travaille plus. De toute façon tant que j’ai la force, je continuerai de chanter. Le jour où j’aurai besoin d’une activité plus calme, je me remettrai à peindre. La peinture c’est un truc de fou, un truc de solitaire.

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Commentaires
J
Quand vous pensez que ce mec à commence au Toutour devant des sièges vides comme il le disait...et fermer le rideaux par le théâtre de l'olympia !! <br /> <br /> <br /> <br /> Bravo Mano ! Tu l'as eu ta revanche sur la vie <br /> <br /> <br /> <br /> Vive SA révolution !!
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